Une bouture d’Afrique sur une terre d’éden.
Peaux noires, murs colorés, églises exubérantes, air marin et soleil brulant. Rues pavées et rues trouées. Le bus de ville grince et fonce en demandant passage. Jésus est partout, il nous invite à lui livrer nos espoirs sous forme de petites bandelettes de couleur qui seront accrochées aux grilles des églises. Le vœu ne coûte pas cher. Les croyances sont obstinées. Et pourquoi pas d’ailleurs. La nuit personne ne traine. L’obscurité tombe rapidement, et les forces obscures au parfum de crack ou d’alcool reprennent la place.
Il y a quelque chose de simple et de sauvage dans les yeux des marchands ambulants. Dans cette belle ville il sera impossible de prendre acte de la fin d’un temps. Les époques se superposent, et les premières vivent toujours superbement. Cette ville raconte sans être didactique. Pourtant de son passé elle semble peu encline à parler. Mais des couleurs si. On en joue avec une maîtrise innée. Pas une trace de nostalgie dans le décor. On met en scène, on polit, on repeint, on arrange, et on joue la pièce avec plaisir car on est le jeu. Les temps ne finissent pas nous dit la toute première ville du Brésil, ils ne sont que matière à modeler pour le futur. Dommage pour qui viendrait ici pour oublier.
Dans la pousada la seule personne à fuir sera le français malencontreusement rencontré dans la salle commune. Installé depuis 15 ans au cœur de l’État de Bahia, loin de tout, c’est une délivrance pour lui de passer quelques jours par mois à Salvador. Il fuit ainsi son oisiveté et sa femme. Négatif et désabusé, il n’aura évoqué du Brésil que la corruption et les agressions. Mais il faut moins de cinq minutes pour comprendre qu’il est totalement imperméable à toute vie (et on aimerait penser qu’il n’en a pas été toujours ainsi…).
Pour voir Salvador, il faut évidemment quitter le Pelourinho pour descendre jusqu’à la mer. Là deux possibilités: se baigner (si on est un enfant ou si on n’a pas réussi à quitter l’enfance) ou attendre la fin de la journée en buvant de la bière fraiche et désaltérante. Si une grosse pluie d’orage ne nous avait pas poussés à l’abri d’une buvette, nous aurions fait les deux…
Quando eu penso na Bahia. Caetano Veloso