« En tant que femme, je n’ai pas de pays.
En tant que femme, je ne désire aucun pays.
Mon pays à moi, femme, c’est le monde entier. »
Virginia Woolf
Trois Guinées (1938), BlackJack éditions (2012)
En 1938, alors que la guerre menace, Virginia Woolf poursuit son combat pour l’émancipation féminine et récuse le monde de violence élaboré par les hommes qui se réservent tous les pouvoirs. A l’époque, l’Angleterre est l’un des rares pays à accorder le droit de vote aux femmes. Pourtant elle récuse le terme de féministe. Pour elle le féminisme en tant que mouvement n’a plus lieu d’être dès lors que les femmes ont acquis les deux droits nécessaires à leur émancipation : le droit de gagner leur propre argent (soit le droit de décider de sa propre manière de vivre) et le droit de vote (soit le droit à la citoyenneté). Ce qui invite à repenser en d’autres termes ce qu’est être femme, et de fait comment agir « en tant que femme ». Les femmes se distinguent des hommes par des siècles de différentiation sexuée appliquée à tous les domaines de la vie : « Il est rare qu’un homme soit tombé sous les balles d’un fusil tenu par une femme; la vaste majorité des oiseaux, des animaux tués l’a été par vous et non par nous. ». Prônant une pensée radicale, s’opposant aux principes d’assimilation et affirmant la richesse des différences, elle plaide pour une position équitable des femmes face à l’hégémonie masculine. Pour répondre à la question qui sert de prétexte à ce livre, adressée par un homme à une femme : « comment pouvez-vous nous aider à empêcher la guerre ? », elle passe en revue les armes que possèdent les femmes pour aider les hommes dans ce combat. C’est à la société des « outsiders », marginaux dont l’histoire s’écrit à l’ombre des valeurs dominantes comme la compétition, l’appropriation et l’exclusion, qu’elle en appelle : « Le Dictateur est là, parmi nous, dressant son horrible tête, répandant son poison, il est encore petit, replié comme une chenille sur une feuille, mais il est au cœur de l’Angleterre. […] Et la femme qui respire ce poison, qui combat cet animal, secrètement et sans arme dans son bureau, ne combat-elle pas aussi sûrement les fascistes et les nazis que ceux qui les combattent avec des armes, sous les projecteurs ? […] Ne devrions-nous pas l’aider à écraser l’animal dans notre propre pays avant de lui demander de vous aider à l’écraser ailleurs ? ».