Parce que j’ai instauré dans ma vie ce message rituel de vœux, j’ai tendance à me rappeler assez nettement les évènements du tout début d’année. Plusieurs fois je me suis demandé s’il était possible d’envoyer des vœux de bonne année alors que celle-ci commençait très mal. Comment ne pas passer pour inconséquente ou naïve en souhaitant paix, joie et force au monde entier (à mes amis du monde entier en fait, que les autres se débrouillent), comme me le rappelle chaque jour l’affiche bleue accrochée au mur de mon salon? Je dois donc dire que je ne m’attendais pas à une année commençant par une trêve, dans une guerre qui tue plus d’enfants que de belligérants. Si cette trêve ne devait durer que quelques jours, elle resterait ce qu’elle est déjà, un espoir de vie possible dans une terre qui accueille des populations qui n’en ont pas d’autre. Au même moment, et paradoxalement les deux évènements sont liés, un homme dangereux prend possession de l’Amérique. Je pourrais le noter comme le fait majeur de ce début d’année. Mais celui-ci a eu lieu le 5 novembre dernier, l’investiture de janvier n’en est que la continuité. Passez votre chemin, c’est en 2024 que le peuple américain a voté sa perte, 2025 le verra peut-être réagir…
L’alignement des planètes ou plutôt leur parade en lisière de notre horizon aurait pu être le moment marquant de mon début d’année, si le ciel avait bien voulu me laisser profiter du spectacle. Mais rideau, gris de pluie et blanc de brouillard. Rideau pudique sur les jours de janvier. Que fricotent les astres derrière le ciel complice? Ont-il demandé à ce qu’on leur cache cette terre insupportable pour vibrer en paix loin des disputes de cours de récré des hommes immatures (ou trop humains)? Qu’une planète comme la terre doit être bruyante et infréquentable, même dans un espace qui étouffe les bruits…
« Faire de notre être ce lieu, cet écosystème, où ceux que l’on a choisis – ou qui nous ont choisi- deviennent, par delà les gouffres qui les séparent, commensurables. La neige tombe dehors, je suis le chasseur qui tient le poisson entre ses bras. La neige se pose sur les branches des arbres, je suis le poisson blotti dans les bras du chasseur. La neige recouvre tout, je suis le poisson qui replonge et se transforme en oiseau multicolore sous la surface froide et sombre de la rivière. »¹
Que 2025 fasse de nous des lieux merveilleux, forêts tropicales, mers arctiques, plages, rivières, chemins creux, ou encore place du village sur laquelle se réunissent Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus, le temps de mélanger la poussière des d’étoiles d’un univers infini dans lequel nous n’existons pas.
¹ Nastassja Martin, Croire aux fauves, Folio Gallimard, 2019