Author Archives: helene

Pas toujours

Plage (2)« L’homme n’est pas toujours un lieu triste. » *

Certains diront : « on n’était pas en prison, mais… »

Dans les geôles de verre les oiseaux ont survécu. De même que certaines espèces rares d’échinacéas, c’est pour dire. Mais les cages sont des lieux tristes et l’homme n’a rien à y faire. Sauf à n’y rien faire.

2021, année de passages à niveaux multiples enroulés dans la brume, où chaque présence sera un phare brillant, nécessaire, inoubliable.

 * Au coin du feu (extrait), Eugenio De Andrade, « L’autre nom de la terre« , poèmes. Ed de la différence, 1990, p.47.

Hier, retour de balade

DSC_0186Hier, en revenant d’une balade le long de la mer, je me suis assise à la terrasse d’un café à côté de deux hommes qui m’ont tout de suite plu : ils parlaient de musique. Il n’a pas été difficile de rentrer dans leur discussion. J’ai eu quelque chose à dire à un moment opportun. Les deux hommes m’ont regardée et répondu.
Nous avons bavardé longtemps. Les bières étaient fraiches, l’air encore chaud, les corps détendus, les regards présents. C’était le temps des maris. Les maris ont fait de moi leur amie, et dans le ciel assombri par le soir s’installant, les cormorans répétaient à l’envie qu’il aurait pu ne pas en être ainsi.

Météo des plages du samedi 29 septembre 2020

 

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Les fourmis sont ailleurs que dans mes jambes

P1090461Cher(e) …

Non je ne meurs pas d’impatience. D’ailleurs les fourmis sont ailleurs que dans mes jambes. On dit que le plus dur est à venir, mais on dit bien des choses qu’il n’est pas toujours nécessaire d’écouter.
Savez vous qu’on a changé mes yeux il y a quelques jours ? Visiblement les miens ne convenaient plus. Tout s’est fait sans douleur, une opération parfaitement réussie. Et bien, ce que je vois aujourd’hui, je dirais que c’est la même chose que ce que je voyais hier, mais en relief. Oui, les contours des objets sont rehaussés d’une fine lisière sombre, très élégante, et je peux pénétrer dans chaque couleur comme si j’ouvrais un tiroir pour y glisser la main. Étrange n’est-ce pas ? J’avais déjà le sentiment d’un monde détaché de son socle quand je rêvais. Maintenant c’est nuit et jour que ma maison flotte. Mais rien de désagréable là-dedans. Tant que le vent n’est pas trop fort évidemment.

J’ai bu ma dernière tasse de thé il y a huit jours. L’espèce était déjà largement en voie de disparition et le pillage des derniers stocks mondiaux a achevé son extinction. C’est une perte majeure pour moi. Dans quoi vais-je tremper mes Thé de Lu maintenant ? Je ne me convertirai pas au café, c’est certain. Le café, plus de 2 milliards de tasses bues chaque jour, un des produits agricoles les plus précieux au monde, des prix insolents qui flambent à la bourse de New York ou de Londres et une chaîne de valeur qui entretient voire aggrave la pauvreté des millions de petits caféiculteurs pris en étau entre torréfacteurs et négociants (mais où va l’argent ?)…
Excusez ce lyrisme, je suis parfois sentimentale. Je parlais de la dernière feuille de thé restant sur le dernier arbuste du même nom, dévorée par une chenille géante sortie d’un laboratoire souterrain d’extrême orient. Je disais que je ne savais pas comment allait s’en remettre la filière petits gâteaux. A votre avis dois-je m’en préoccuper ou puis-je passer à autre chose ? Mes nuits sont bien remplies de ces nombreuses questions que je sauve de l’asphyxie en les ramenant à la surface, mais je ne peux continuer à encombrer ma chambre de la sorte.

Comme vous le voyez, la vie ici est sans histoire. J’attends votre retour comme j’attends qu’il arrête de pleuvoir, les cerises ont éclaté cette année encore, même les oiseaux n’en veulent pas. Mais allez, tout cela est peu de chose, moins de cerises moins d’oiseaux, moins d’oiseaux moins de chats, moins de chats moins de souris apeurées. La nature est décidément prévoyante.

Je vous embrasse

Era escuro (chant sépharade). Les Fin’amoureuses. Album : Marion les roses, chants et psaumes de la France à l’Empire Ottoman, 2005

Il faisait noir comme à la minuit / quand la lune s’est dégagée, / tout était silencieux et figé dans le silence / comme un nuage dans l’obscurité.

 «Misérable, pourquoi es-tu venu maintenant? / Me rappeler ce que j’ai vécu? / Me rappeler toute ma vie?  » /- Je lui ai dit ces mots.

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Que s’est-il passé l’année dernière?

P1020301Les jours passent si vite assis dans un fauteuil à regarder de loin les mots collés sur le frigidaire. Je suis lascivement installée dans un fauteuil douillet, le bras télescopique du frigo se déplie pour me tendre une bière, le pauvre chéri se sent bien seul depuis qu’il ne peut plus sortir, allons, faisons un geste et trinquons avec lui.

Je ne suis pas certaine que la compagnie d’un frigidaire ancien modèle me permette de développer ma notion du temps, quand je lui demande l’heure il répond que ça ne me regarde pas. Que dois-je comprendre?

Certes je n’ai pas construit de mausolée à mes années passées. C’est que la concession se négocie sec par ici. Et que j’ai perdu tout sens de l’acharnement. Mais quand même, j’aimerais bien qu’on réponde à mes questions.

Il faut dire qu’il n’y a pas eu d’évènement très important dans ma vie. J’ai bien acheté un carnet de note que j’avais bon espoir de noircir jusqu’à la trame. Mais il est posé sur l’accoudoir de mon fauteuil, pages totalement vierges.

Mon fauteuil est rouge, vous l’ai-je dit? Et le carnet imitation sépia vieilli (imitation complètement ratée). Le frigo est blanc. Couvert de notes et de messages, de phrases sans queue ni tête, de divagations scripturales, de peinture des cavernes. La bière est blanche elle aussi, et froide cela va de soi. Quand je trinque avec le bras mécanique du frigo, elle s’émoustille.

Avez-vous déjà bu une bière fraîche dans un fauteuil rouge, en compagnie d’un frigidaire volant à un carnet sépia les mots qui devraient s’y trouver?

En tout cas, j’ai pensé qu’il serait plus sage de ne pas intervenir dans leur petite querelle.

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La glycine et l’expert

« Le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent. »¹

La glycine est experte en enchantement du P1100202printemps.
Son absence de compassion devant nous, pauvres humains confinés, est affligeante.

 

 

¹Nassim Nicholas Taleb, citation extraite du Monde diplomatique, avril 2020, p.21

Météo de ce lundi 6 avril dans le sud de la France

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Comme une envie de voyage

Tandis qu’entre les êtres humains naissent des lignes invisibles, délimitant les contours d’espaces clos et solitaires
Tandis que nos pensées rebondissent sur des portes calfeutrées
Tandis que nos imaginaires, exfiltrés du monde, s’effilochent et s’endorment

Les paysages se tiennent là, majestueux et conquérants, avec leurs oiseaux et leurs rongeurs, en paix pour une fois, leurs voies aériennes, muettes pour une fois, leurs routes, désertes pour une fois

Les routes ont un point de départ et un point d’arrivée. Entre les deux, l’espace et le temps, l’à-venir, le possible et l’imprévu, le mouvement.

Une carte postale.
La photo du recto montre une montagne rougie par un soleil tout aussi rouge, coupée par une route bordée d’herbe sèche, un coup de pinceau sombre sur la carte. Le point de départ de la route se trouve en deçà de l’image, le point d’arrivée au-delà, l’à-venir et le mouvement sur l’image.

Les destinations parallèles de la carte et de la route se croisent. L’une apporte des mots, soit la possibilité d’un lien, l’autre apporte de l’espace, soit la possibilité d’un monde.

Car sans espace le monde n’est rien; l’espace sclérosé est un espace sans potentiel, le monde sans potentiel un monde désolé.

« Le monde de la vie, c’est le monde des lieux où le désir peut prendre et se charger en réalité, c’est le monde des espaces ménagés à la vie créative. (…) Sans nul doute il y a un monde intérieur de la psyché et un monde extérieur des choses, mais il existe également un lieu où l’expérience se constitue, s’unifie, s’organise, et ce lieu n’est ni dedans, ni dehors. Ce lieu où nous vivons, au sens fort du terme, c’est-à-dire où nous faisons nos expériences, où nous nous promenons la plupart du temps, c’est l’espace potentiel. (…) L’intérieur est à l’extérieur. »
Emmanuel Belin. Une sociologie des espaces potentiels. Logique dispositive et expérience ordinaire. De Boeck Université, 291 p., 2002 (pages 89 ; 98 ; 129)

David Lynch & Lykke Li; I’m waiting here.

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Miniatures

Un homme comme un aimant
Un homme aimantCafé
Un amandier


La tasse aime mes lèvres ce matin
Et la cuiller aime ma main
Le café aime la tasse
Dans la tasse le café
Dans la main la cuiller
Sur la tasse mes lèvres
Embrasseras-tu la tasse, la cuiller ou mes lèvres ?

HTV

2020 : en compagnie des petites âmes

P1080686Des vœux pour 2020. Dans les Açores on appelle « alminhas » ou petites âmes, les stèles et niches qui abritent une croix, un christ ou une vierge. Ces stèles, qu’on peut trouver à un coin de rue comme au sommet d’une montagne, offrent aux âmes errantes du purgatoire un point de passage vers le repos éternel. Une ouverture directe du visible vers l’invisible, du monde de l’ici vers le monde de l’au-delà, du monde de la chair vers le monde de l’éther. J’aime l’idée de la discontinuité de la surface de la terre, de ces puits profonds par lesquels aller et venir. Autour d’eux volent les petites âmes qui s’attardent dans notre monde, celui des mortels, et conversent avec nous. Ici, on parle tout bas et on apprend tout autant. Sera-t-il question de conflit, de convergence des luttes, de discrimination et de relégation, de degré zéro de la politique, de bêtise, d’armes de destruction massive, de désagrégation et de fin du monde ? Ou d’un nouveau pas de valse à huit temps, orchestré par le bruit de la pluie sur la peau tendue de la terre ?

Pour le savoir, souhaitons nous pour 2020 des oreilles grandes ouvertes sur l’insondable, sur les questions sans réponse, sur la musique et sur la danse, sur le monde dont nous sommes partie prenante et que nous ne connaissons pas, sans oublier bien sûr nos petites âmes, qui parlent en nous et hors de nous.

 Nuidanse, Le bal de l’Éphémère, Album Azuré, 2015

(mais oui, une valse à 8 temps…)

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Parce que les prisons

« Les prisons doivent accueillir les hommes seulement en passant, comme des hôtes. Il ne faut pas qu’elles deviennent pour les humains des demeures permanentes« . Yi-king, Hexagramme 56, « L’errant »

P1090980Si on parle du corps c’est pour se rappeler qu’on en a un, dit la femme.
Je te regarde et je ne pense rien. Je ne pense rien parce que je n’ai jamais su penser. Je pense que cette femme me demande de penser mais que rien ne me vient. Je sais bien qu’on a un corps, alors pourquoi en parler. Je ne voulais pas être mon père et je le suis devenu. J’ai pris sa place dans la lignée familiale, j’ai pris sa part d’héritage, j’ai pris sa place à côté de sa femme, ma mère. Je règne. Je règne et je ne suis pas heureux. Les prisons ne doivent pas être des demeures permanentes, mais elles le deviennent. Le corps comme les murs des maisons deviennent des prisons. On perd tout à ne pas vouloir être libre. On n’est pas libre parce qu’on attend une vie meilleure. On n’est pas libre parce qu’on n’a jamais été reconnu. On meurt de notre présomption. On meurt de notre orgueil à vouloir être vu. On meurt de ne pas accepter l’éther et la transparence.
Elle voulait un enfant et je n’en voulais pas. On meurt une fois, deux fois, dix fois dans les désirs avortés des corps inféconds. Parce qu’on aime une femme elle ne sera pas mère. On aime mal une femme qui voudrait être mère. Tant qu’on peut procréer on retient la vie. Voilà ce que raconte ton corps. Voilà ce que raconte le monde artificiel construit autour de toi. Voilà de quoi tu meurs à petit feu. Voilà ce que tu penses et ne peux dire.
« Je te rappelle qu’on a un corps ». Je regarde la femme qui me parle et je n’entends rien. La musique recouvre les paroles que je ne veux pas entendre. Je mets du silence et de la distance pour ne rien entendre. J’ai entendu quand même. Je sais construire des maisons. Je sais creuser un puits. Je sais m’occuper de ce qui me survivra. J’aurais su m’occuper d’un enfant. Je dois regretter ou partir. Mais ce n’est jamais la souffrance qui nous permet de savoir où aller. Entre les murs solides d’un jardin éternel on repousse les ténèbres. Le soleil de décembre prodigue ses caresses. Seule la terre nous nourrit pense-t-on.
J’ai eu un corps et je n’en ai rien fait. Faire l’amour comme on se perd, se perdre comme on se donne, mal et trop peu, jusqu’à redevenir fœtus craintif dormant dans les bras d’une femme qu’on ne console pas.
Elle rêvait d’un enfant et maintenant c’est trop tard. Elle me quitte, et il est maintenant trop tard pour la désirer. Je dois regretter ou partir. Regretter d’être resté là où s’est perdu mon père, partir là où il n’a pas su aller. J’ai un corps pour marcher. Un corps dépourvu d’enfant à tenir par la main. Mais un corps qui malgré tout parfois se rappelle, dans la musique ou dans l’alcool. J’ai entendu ce que tu m’as dit. Sur l’existence du corps. Mais tu ne parlais pas de moi, n’est-ce pas? Alors toi, toi et ton corps, de quoi vous rappelez-vous ?

HTV

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On m’a dit

P1100002On m’a dit,
On me dit, on me redit
Qu’il y a un trésor en moi
Alors je cherche
Je creuse, je fouille, je me retourne en rond
La tête à l’envers
J’explore, je fore
Je laisse des trous béants
Je ne trouve rien
Je recommence
Je suis une carrière à ciel ouvert

Un beau lac d’argile se forme
Mais je ne trouve toujours rien
Je lis des cartes
Je pars sur les antiques routes de la soie
Je vais en Iran
Je fais marche arrière
Les palais ne dévoilent rien
Shéhérazade se cache

Un trésor
Serait-ce de l’or
Des pierres précieuses
Un carnet d’adresse
Une carte postale ?
Je doute
Je ne vois pas de quoi il s’agit
Il n’y a peut être rien
Peut-être qu’on dit ça comme ça
Un trésor de rien
Le tout du rien
On me l’a déjà faite celle-là
Un trésor qui funambule
Un funambule pour les jours d’ennui
Et moi on me dit
De chercher en moi
Mais je ne fais que ça…

J’ai la peau à nu
Le corps sens dessus dessous
Je suis ouverte à tous les vents
Je me suis entièrement démontée mais trop mal remontée
Un fémur en guise de bras
La nuque de travers
Il me manque un doigt
C’est malin
Pas vraiment fière du résultat

Ouvre donc toi-même les portes
La première la deuxième la troisième
Et toutes les autres
Entre en moi
Un long corridor me traverse de part en part
Axe Nord-Sud en contrechamp
Il est plus de neuf portes dans mon corps
Elles donnent sur des espaces clos
Où poussent des fleurs bleues
Je n’en sais pas plus
Ce que tu trouves garde le
Les trésors comme leurs éclats
Je me brade de tout ce soir
Je donne au musicien qui passe
Est-ce toujours toi ?
Tu es un courant d’air et je suis ouverte à tous les vents

Te dis-je.

H.T.V

La révolution des fleurs sauvages. Composition et chant : Hélène Tallon-Vanerian; guitare : Patrick Villanti

Beautyfull stanger. Composition et chant : Hélène Tallon-Vanerian; guitare : Patrick Villanti

Le jardin de l’oiseau. Composition et chant : Hélène Tallon-Vanerian; guitare : Patrick Villanti

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Milieu d’été sous la pluie

P1070211Aujourd’hui encore, une référence au temps qu’il fait. Et la pluie du jour qui lave ou délave nos âmes semble le prétexte tout indiqué aux bilans. En septembre 2013, j’avais écrit un article de ce genre, intitulé « Fin d’été sous la pluie »1. En septembre 2013 le monde tremblait devant les appels à la guerre venus de tous pays. Obama était encore président des États Unis, on espérait qu’il le demeurerait, non que sa politique nous fût limpide, mais parce qu’il incarnait une intelligence et un métissage dont nous avions besoin pour croire à l’avenir. Trump est arrivé, la bêtise incarnée, et les foules exaltées qui le portent aux nues ne nous aident pas aujourd’hui à savoir où l’on va.

Ce milieu d’été 2019 sous la pluie ponctue un cycle de canicule éprouvant. Les tournesols se redressent. Dans la ville, je pense en marchant dans mes tongs mouillées qui glissent de mes pieds que les enfants sont des trésors si précieux qu’on ne sait quelle place leur faire dans le monde à venir. Que vivront-ils? Comment? On pourra toujours masquer notre impuissance à envisager leur futur en leur disant qu’il y a des routes plus pures que d’autres, et en les encourageant à les suivre. Ces routes étant celles qui relèguent la bêtise aux confins de la terre, afin qu’elle n’occulte pas les horizons d’espoir que les hommes de cœur construisent sans répits.

« Le jour où je cesserai de vivre rien de moi ne restera. Je mourrai bien et tout à fait ; mon seul devoir est donc de vivre bien et tout à fait et de donner ainsi le bonheur à ceux qui m’entourent. Une existence à l’image du métier que j’ai choisi. »  Lettre de Maria Casarès à Albert Camus le 25 février 1951 2.

1 https://www.lalignedecoeur.fr/fin-dete-sous-la-pluie/

2 . Albert Camus, Maria Casarès. Correspondance (1944-1959), Collection Blanche, Gallimard, 2017, 1300 p.

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De la pluie?

Vendredi 19 juillet, 5h20 du matin, un bruit insolite sur les graviers, une odeur fraiche, un rideau scintillant dans la nuit finissante, de la pluie!

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Que nous, enfants gâtés des pays tempérés, puissions attendre la pluie avec tant d’impatience, et en parler comme d’un cadeau que le ciel nous ferait, à l’instar des Africains qui associent le beau temps à la pluie, est assez insolite. Mais la chaleur de cet été effraie. On comprend que lorsqu’une main invisible décide d’ouvrir la porte d’un four, nous ne sommes pas armés pour lutter. On ne peut que prier pour que ça ne dure pas. La solution est d’apprendre à vivre sous terre, mais le peut-on vraiment, au risque d’oublier que seule la surface de la terre nourrit les hommes?

Le 28 juin 2019, la France enregistre son record absolu de température1, soit 46°C à Vérargues dans l’Hérault2. Ce même jour, au sommet du pluieMont-Blanc à près de 5.000 mètres d’altitude, la température passe en une journée de -2 °C à +7 °C3. L’hiver 2018-2019 aura été particulièrement chaud : les températures du mois de février ont été supérieures de 5 à 10 °C à la normale saisonnière, le 27 février 2019 ayant été la journée d’hiver la plus « estivale » que la France ait connue depuis 1950. La France n’est pas la seule concernée, la période d’avril 2018 à mars 2019 est la période de douze mois la plus chaude jamais enregistrée en Europe et à l’échelle mondiale4. Quant à la pluie, on la cherche. Dans les régions méditerranéennes, il est tombé moins de 20 jours de pluie dans l’hiver 2018-2019, soit un déficit d’eau souvent supérieur à 50 %5.

La chaleur devient donc intenable dans nos pays tempérés au climat pourtant si paisible. On imagine aisément que ça ne va pas très bien non plus au Sahara, en Asie du sud est ou au Brésil, zones du globe particulièrement impactées par le changement climatique6. Pourtant, nous, les enfants gâtés des pays occidentaux, premiers (ir)responsables de la situation actuelle, continuons à regarder les habitants des zones transformées en fournaise ou en espace de jeu pour ouragans et tornades se dessécher sur place ou se noyer. Hum… On pourrait imaginer autre chose. Puisque la fin du monde est annoncée, pourquoi ne pas la devancer et la vivre tous ensemble ? Fixons nous un rendez-vous. Je propose l’Antarctique, été 2020 (de l’hémisphère sud). 2020 c’est une date qui sonne bien, et ça laisse le temps d’arriver. Pourquoi l’Antarctique ? Pour sa fraicheur tout d’abord, on en a tellement besoin. Mais aussi parce que c’est un continent qui n’appartient à personne. Pas de visa demandé, ni de tri à la frontière, tout le monde est à égalité sur cette étendue blanche. D’une superficie de plus de 14 000 000 km2 (soit quasiment la Russie), il est facile d’y accueillir toute la population du globe. Non on ne manque pas encore de place sur terre. Petit calcul. En 2020 nous devrions être à peu près 7,8 milliards d’êtres humains. C’est beaucoup certes, mais répartis sur ces 14 000 000 km2 cela donne une densité de population de 557 pers/km2, soit la densité d’une petite ville comme Cavaillon ou Saintes, ce qui est faible pour nous humains habitués à nous entasser les uns sur les autres. Rien à voir avec Paris (21 067 habitants par km2), Manille (43.079 habitants / km²), Shanghai (24 616 habitants au km2) ou même n’importe quelle autre ville.

Une fois arrivés, que faisons nous ? Un grand feu (chacun aura apporté quelque chose pour alimenter ce feu). Dans Amundsen-Scott-South-Pole-Station-Aurorasa douce chaleur chacun sera libre d’occuper les 24 heures de jour de l’été polaire comme il le souhaite. Précisons bien que l’Antarctique est un continent « consacré à la paix et à la science »7, toute autre activité y étant proscrite. Au moment où s’éteindra la dernière braise, il sera temps de lever la tête vers le ciel et de profiter du spectacle époustouflant des aurores australes. Car l’Antarctique n’a jamais accepté sur son sol de population humaine. Si l’on peut lui demander de supporter l’humanité le temps d’un feu de joie, il aura tôt fait de nous montrer qu’on ne lutte pas plus contre le froid extrême que contre la chaleur. Nous le rassurerons en lui disant que nous ne sommes pas venus pour lutter.

Je sens qu’on va me dire que je suis pessimiste. Bon, on peut toujours changer la date…

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1 depuis le milieu du XIXème siècle, qui correspond à la naissance de la météorologie moderne et des premières stations météo en France

2 http://www.meteofrance.fr/actualites/74345599-c-est-officiel-on-a-atteint-les-46-c-en-france-en-juin

3 https://reporterre.net/Les-canicules-ne-sont-plus-des-phenomenes-naturels

4 https://reporterre.net/La-periode-d-avril-2018-a-mars-2019-est-la-plus-chaude-jamais-enregistree-en

5 http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2019/bilan-climatique-de-l-hiver-2018-2019

6 https://theconversationfrance.createsend1.com/t/r-l-jikhtdkk-djhrzhtyd-k/

7 Le Protocole de Madrid, entré en vigueur le 14 janvier 1998, précise que l’Antarctique est une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science »

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Parfois

HTV/parfois/lalignedecoeur.fr

J’ai parfois un peu beaucoup, un peu toujours, un peu passionnément l’impression de ne pas donner assez, de ne pas te donner, de ne pas me, de ne pas nous donner assez

J’ai parfois un peu beaucoup, un peu toujours, un peu passionnément l’impression de ne pas donner assez
Assez de bien-être, assez de soleil, assez de soir d’été
Assez de nid pour les oiseaux, assez de couverture de survie, assez d’eau de pluie, assez de moi-même
Assez d’impatience, de matin d’hiver, de glace fondue, de parcours du combattant
Assez de chlorophylle, de grenouille verte, d’herbe à chat, d’air frais
Assez d’amertume, d’encre violette, de chansons désuètes
Assez d’outrecuidance, de solos de guitare, de pain dans la main
Assez d’ignorance, assez d’incendie.

J’ai parfois un peu beaucoup, un peu toujours, un peu passionnément envie de me taire, envie de partir, envie de pleurer
J’ai parfois assez d’envie, assez de vie, assez envie de vie pour t’écouter
J’ai parfois une grande idée en tête, une grande facilité à dire, une grande famille
J’ai souvent une longue route à parcourir
J’ai souvent assez des un peu, des beaucoup, des lagons trempés dans la lessive bleue, des lendemains qui ne savent pas, des lits figés
J’ai assez de parfois pour conduire ma voiture là où je veux
J’ai assez de beaucoup pour marcher sur la tête
J’ai assez dépassé de marcheurs sans passé
J’ai assez de passé pour rester sans bouger
J’ai beaucoup effacé le trop peu du passé
J’ai un peu l’impression que parfois on nous ment
J’ai parfois un peu à donner
J’ai parfois donné passionnément
J’ai donné te tu passionnément toi
Je toi beaucoup oh oui beaucoup
Jamais assez jamais trop peu
Beaucoup à jamais
Parfois te me toi nous
Parfois
Parfois je donne
Parfois je toi te donne
Parfois moi dans l’été
Parfois trois fois toi dans l’été
Et tant d’autres fois
Que pour toi
Passionnément je me tais.

Parfois. Hélène Tallon-Vanerian, 2019

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8 mars, être femme (III)

woman in corridor Lucy Raverat« […] Et donc jeunes femmes
voici le dilemme
qui est en soi une solution:
J’ai toujours été à la fois
suffisamment femme pour être émue aux larmes
et suffisamment homme
pour conduire ma voiture dans n’importe quelle direction »

 

Hard drive (extrait), Hettie Jones, 1998. Beat attitude, femmes poètes de la Beat Generation (anthologie bilingue), Éditions Bruno Doucey, 2018

Peinture : Lucy Raverat

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Genre

Genre tous les jours y’a la vaisselleP1090420

Genre recours au chocolat noir

Genre qu’est ce que tu vaux, toi, qu’est ce que tu vaux?

Genre je me dis que pas grand chose mais je ne le dis pas

Genre y’a d’la colère dans l’air aujourd’hui, ça pulse

Genre ça ne s’arrêtera pas avec l’âge

Genre contrôle technique. Ma voiture pollue? Non, mais le voyant anti pollution est allumé. Mais ma voiture pollue? Non, mais la machine dit qu’il y a un problème avec le système anti pollution. Mais en vrai de vrai, de la réalité vraie qu’on peut toucher et mesurer, elle pollue? Non. Alors vous me donnez le contrôle technique? Non. Et si ma voiture n’avait pas eu de voyant de détection de défaillance potentielle du système anti pollution (comme ma très vielle voiture précédente juste exemple), vous me l’auriez donné? Oui.

Genre ça ne serait pas un peu le nerf de la colère tout ça?

Météo de ce samedi 19 janvier dans le sud de la France

Antidote :

Agnès Obel. On Powdered ground. Album Philarmonics, 2010

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