Author Archives: helene

Nos luttes invisibles

HTV/lalignedecoeurIl n’y a pas d’existence idéale, l’idéal n’est pas un genre d’existence. (…) L’idéal, c’est l’imaginaire parfait. Rien n’est donné d’avance, tout se joue en cours de route.« 1

Pour Étienne Souriau, philosophe oublié et quelque peu obscur il faut le dire, l’être s’instaure, se découvre, s’invente. Pour cela il prend des risques. Il fait et refait, choisit, revient en arrière, en d’autres termes il « s’œuvre », prenant le parti de la différence, de l’altération, car sans altération il n’y a pas d’être. Le monde contient plus « d’un mode d’existence », et nous témoignons pour une réalité. Cependant, « les faits comme les œuvres tiennent, résistent, obligent —et les humains, leurs auteurs, doivent se dévouer pour eux » 2.

Voilà peut-être où se logent nos luttes quotidiennes, invisibles, celles qu’on ne va pas crier sur tous les toits, celles qui nous usent à petit feu tout en nous rendant en même temps vivants, et heureux de l’avoir été pour être arrivés là où nous poussaient nos voix existentielles dissonantes. Nous résistons et résister c’est encore lutter. Ne rien disputer à l’intuition et au désir, c’est se mettre en état d’être. Alors, à l’heure des grands discours politiques, qui saura nous parler de nos forces désirantes ?

« En valeur poétique, il n’existe ni chômage ni plein emploi ni assistanat, mais autorégénération et autoréorganisation, mais du possible à l’infini pour tous les talents, toutes les aspirations. En valeur poétique, le PIB des sociétés économiques révèle sa brutalité3

1 Étienne Souriau, 2009 [1943]. Les différents modes d’existence, Paris, Presses Universitaires de France, « MétaphysiqueS »

2 Bruno Latour, 2007. Sur un livre d’Étienne Souriau: Les Différents modes d’existence. www.bruno-latour.fr/sites/default/files/98-SOURIAU-FR.pdf

3 Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William, 2009. « Manifeste pour les produits de haute nécessité ». bastamag.net/IMG/pdf/manifeste.pdf

Erik Truffaz 4tet, Sophie Hunger « Let me go! ».

« Prends garde pour quelle réalité tu témoignes, riche ou pauvre, allant vers le plus réel ou vers le néant. Car si tu témoignes pour cette réalité, elle te juge » 1

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Jardin de mille rêves

Entre ton pull et ta peau
Un jardin d’étamines
J’y passe une main nue
J’y demeure, clandestine
Je m’y délice

Sur les routes du Grandp1080386 Nord
Je t’ai épousé
Un poème passe
Sur le velours de tes lèvres
Je murmure
Mille phares jaillissent et m’offrent
Une esquisse d’aurore

Enroulée, pelotonnée dans le creux
De tes hanches
Je vagabonde sur ton corps
Et bien ce n’était pas rien
Ces territoires enflammés
Mes mains s’y sont brûlées
Regarde, mes paumes sont restées brunes
J’étais petite et frêle
Folle d’un amour terrestre
La porteuse de voix
Qui ne voit rien du ciel
Quand à tes yeux elle se réfère

Ombre du songe, miel
Fragrance des vastes plaines
Force du trait d’union et du lien éternel
Missive charnelle que je glisse
Dans l’entre deux des continents
Entre ta peau et ton regard
Dans cet espace que je compose
Et qui m’oppose au vaste monde
Dans cet écrin ou rien,
Non vraiment rien
Ne trouble l’agencement des fleurs
Que tu fais naître pour que je cueille
Un à un leurs pétales
Et que j’en fasse le lit secret
Du souffle qui se lève
Quand je chemine entre tes rêves.

H.T.V.

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Une fin d’été

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Les souvenirs tournent autour du monde, ils ne peuvent s’empêcher de tourner, tandis que nous, pauvres humains, nous déboitons le cou à les suivre des yeux.  Nous garderons les meilleurs, nous l’avons promis. Car la fête aurait pu être belle si elle l’avait été pour tous. L’été rassemble et disperse à la fois. Que restera-t-il de ses heures suspendues ? Les vivants le seront sans doute encore, une fois l’équinoxe passée. Un peu changés, un peu ébranlés, chargés comme ils le seront de nouvelles photos souvenirs. Dans nos yeux passent des albums aux pages ouvertes. Ils racontent, ils omettent, ils colorent ou décolorent. L’été 2016 aura été comme ceci, ou plutôt comme cela. Nous aurons aimé, nous aurons pleuré, nous aurons cru, nous aurons maudit, puis nous serons finalement rentrés chez nous, comme si de rien n’était. Comme si ce rien ne gardait pas toutes nos traces en mémoire. Comme si chez nous ne nous attendait pas un château de souvenirs. Comme si les derniers en date n’avaient déjà pris place sur son rempart crénelé et ne nous observaient pas du coin de l’œil, prêts à nous assaillir à la première occasion. Nous bruissons et tintons de souvenirs, de vrais juke-boxes, ça oui ! Alors comment ne pas se rappeler ?

 Pourquoi tout retourne-t-il à la mer
Sans même le vouloir ?
C’est pour nous, mon amour.
Pourquoi tout s’en va-t-il un jour,
— Ce qui embrasait nos lèvres
Jusqu’à nous anéantir ?
Tout est fleuve qui s’écoule
Et ce qui meurt en nous
Renaît ailleurs, mon amour.

 João Monge. Paixões diagonais

Traduit du portugais par L. & L. https://jepleuresansraison.com/2016/07/19/jusqua-nous-aneantir/

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49.3°C à l’ombre du déni

SAMSUNGConstitution française de 1958, Titre V, Article 49.3 :

L’été, fais ce qu’il te plait ;
Tu auras tout l’hiver pour pleurer.  

 

There is a war. Don Nino. Cohen revisited (A tibute to Leonard Cohen), 2009

« Il y a une guerre entre ceux qui disent
« Il y a une guerre » et ceux qui disent « il n’y a pas de guerre ».

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Des murs

Où il est question de murs, d’ouvertures fortuites permettant de conduire un bébé jusqu’à un hôpital, de frontières arbitraires, d’oiseaux gazés, de chambres obscures, de vie désertée, mais aussi de visite amoureuse sous les tirs ciblés des soldats. Où il est question de la vie quotidienne en Palestine lorsque l’on est du mauvais côté d’un mur qui sépare et qui brise. Des témoignages sans pathos recueillis à la pointe d’un crayon noir qui dessine au fil de la parole les cartes de l’espace vécu d’hommes, de femmes et d’enfants ayant hérité d’un horizon dont ils regardent impuissants la disparition.

Un documentaire de Till Roeskens sur la Palestine (2009)¹, que je ne peux que vous inviter vivement à prendre le temps de regarder :

¹Merci à Nicolas Lambert et son carnet NEOCARTOgraphique (http://neocarto.hypotheses.org/2389)

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Lumière

Femmes lumière

Les femmes sont des fées. De leur corps émane une lumière douce qui éclaire la nuit. C’est beau! On ne me l’avait jamais dit… Je ne serais pas une femme ?

Le grand vent, Laïs, Dorothea, 2001

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Requête

Il me faut une fois de plus pPorte verte/HTV/Lalignedecoeur.frousser la porte du jour
Et voir s’il danse encore dans l’ombre
D’étranges mains de plâtre et de papier.

Oh belles fées qui restez sur le seuil
Gardez mes nuits d’avant le rêve
Dans son miroir sans pareil
J’étais deux je deviens mille.

HTV


Élise Caron, La chambre. Album « Eurydice bis », 2006

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Boussole pour l’espoir

« ­­[…] Il faut tout voir à travers les bésicles de l’espoir, chérir l’autre en soi, le reconnaître, aimer ce chant qui est tous les chants, […] on est toujours surpris par ce qui toujours vient,Boussole/HTV/lalignedecoeur.fr la réponse du temps, la souffrance, la compassion et la mort ; le jour qui n’en finit pas de se lever ; l’Orient des lumières, l’Est, la direction de la boussole et de l’Archange empourpré, on est surpris par le marbre du Monde veiné de souffrance et d’amour, au point du jour, allez, il n’y a pas de honte, il n’y a plus de honte depuis longtemps, il n’est pas honteux […] de se laisser aller aux sentiments, et au tiède soleil de l’espérance. »

Mathias Enard, Boussole, Actes sud, 2015, p. 378

Béata Palya, Szózat Katitzához a férfiak ügyiben. Album Ágról-Ágra, 2003

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Pour 2016, que vais-je vous souhaiter?

Question difficile par les temps qui courent, j’y ai donc longuement réfléchi:

Feuilles et fleursdu vent dans les arbres (pour le bruit des feuilles)
des mots pour dire non
des mots pour dire oui
des fraises dans vos pêches melba
des arcs en ciel (da
ns votre ciel)
des poissons-chats volants
des soucoupes en état de marche
des fleurs de lys fanées
des fanes de radis pour la soupe
des pommes de terre nouvelles (toujours pour la soupe)
des nouvelles de moi

(- euh… je continue?
– non, je crois que ça suffit comme ça.
– vraiment?
– oui, vraiment.

 – dommage, je m’amusais bien.
– oui mais ça suffit quand même.
– bon, euh, et bien… la sortie c’est la grande porte ou la petite porte?
– passe sous le tapis c’est plus court.)

Pour résumer, que le monde merveilleux soit avec vous!

« Il est un ciel de satin au cœur de la tempête
et, tout près du seuil d’un paysage proscrit,
des châteaux de feu ouverts sur la mer, des tours de fête. »
Maria-Mercè Marçal, Sorcière en deuil

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Que notre sang impur…

On est mal barrés mais ce n’est pas nouveau. Voilà déjà quelques années qu’on nous exhorte à chanter vaillamment la Marseillaise*, ce chant aussi laid en parole qu’en musique. Mais qu’advienne donc ce sang impur qu’on appelle si fort de nos vœux. Qu’il abreuve enfin nos sillons! Il enrichira la terre et donnera le blé sur lequel nous spéculerons sur les marchés boursiers de Chicago**. Notre chère patrie aura retrouvé sa gloire, vite mise à l’abri dans les coffres des multinationales. Les marchands de guerre s’en donnent à cœur joie. Les appels à la délation fleurissent, certains sont déjà en piste, c’est fou comme on retrouve vite les vieux réflexes.

On devrait donc chanter le cœur plein d’allant un chant dans lequel se logent la discrimination et le racisme. Pourtant un hymne national, si j’ai bien compris ce qu’on essaye de nous expliquer, participe à construire les références communes qui forgent la citoyenneté, c’est à dire la vie politique. Il devrait, mais je n’ai pas dû bien comprendre, nous fédérer. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux, mais certains, nous dit la chanson, sont impurs. Et oui, leur sang est contaminé (notons qu’on peut gagner gros à son trafic, mais on s’éloignerait du sujet…).  Pas le nôtre bien sûr ! Quoi que, le mien, je ne sais pas… Il charrie quand même une belle dose d’Orient. Et il n’est ni bleu, ni blanc mais rouge et rien d’autre.

Triste constat… Je fais donc immédiatement acte de contrition et me range de ce pas du côté des engrais organiques. Mais je le dis tout de suite, bien haut et bien fort. Ce n’est pas dans les sillons creusés par les usines à labourer de l’agriculture intensive que je le verserai, mais dans une terre aux herbes folles que ne chatouillent que les vers de terre.

*Depuis 10 ans son apprentissage est obligatoire à l’école primaire
**La majorité des prix que touchent les producteurs agricoles de la planète sont décidés à la Bourse de Chicago

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Soupçon de voile

Une femme dit : « Je veux être reconnue pour ce que je suis et non pour ce que je porte ». On est à Paris, en 2015, et cette femme porte un voile qui recouvre ses cheveux. Une autre femme dit : « Je ne veux pas qu’on me harcèle dans la rue parce que je ne suis pas couverte de la tête aux pieds ». On est à Alger, la même année, cette femme porte un tee-shirt à manches courtes. Même raz-le-bol de chaque côté de la Méditerranée, même impossibilité de jouir à son aise du corps que l’on désire, dans cette confrontation aux regards masculins qui impose à coup sûr de se conformer pour exister. Voile/HTV/lalignedecoeur

Dans ce débat qui n’en finira jamais sur ce que doivent porter les femmes, on ne va pas faire semblant d’être neutre et non concernée. On se sait capable de distinguer deux jumelles portant un niqab en tout point similaire, le simple éclat de leurs yeux trahissant leurs singularités irréductibles. Et on entend bien que dans la plainte de la femme voilée résonne celle de la femme qui ne peut découvrir ses bras.

On est pourtant du côté de la peau nue et libre, et même très intimement de ce côté. Pourquoi, puisque qu’au fond on ne voit pas bien où est le problème? Parce que… Voyons, comment dire…? Comment dire qu’être femme c’est aussi avoir un corps et en jouer? En user, pour le meilleur et le meilleur? Oui comment dire cela lorsque chaque parcelle du corps de la femme est scannée, jugée, neutralisée, barbisée, lorsque que toutes ces parcelles formant un corps malgré tout se retrouvent au final bien rangées derrière des voiles ou des faux semblants? Comment dire cela lorsque le simple fait de dire cela implique de porter vivant en soi un combat ingrat, difficile à comprendre et à accepter, et qui semble toujours à mener, jamais gagné? Oui, comment le dire?

« Nous dansons, car après tout c’est ce pour quoi nous nous battons :  pour que continuent, pour que l’emportent, cette vie, ces corps, ces seins, ces ventres, cette odeur de la chair, cette joie, cette liberté. »
Starhawk, Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique, éd. Cambourakis, 2015
 Sulzi ronya ot dve tcherni otchi / Deux yeux noirs versant des larmes
Chant de femmes de Bulgarie, Ensemble Bisserov
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En tant que femme : Maria-Mercè Marçal

Dans ce blog se promènent des femmes inspirantes. Pour Maria-Mercè Marçal, parler en tant que femme c’est d’abord dire la part blessée du corps, c’est parler depuis son corps :

« Je me mets à genoux devant
le corpsP1010623
impur
obscène
mortel
premier
pays
vivant
cercueil
ouvert
d’où je
proviens
il n’y
a pas,
mère, d’autre naissance. »

C’est parler du monde indompté, de sa frange indicible :

« Je rends grâce au hasard de ces trois dons :
être née femme, de basse classe, de nation opprimée.

Et de ce trouble azur d’être trois fois rebelle. »

C’est collectionner l’éclat fragmenté des jours  :

« Je monterai la tristesse au grenier
avec le parapluie cassé, la poupée borgne,
le cahier périmé, la vieille tarlatane.
Je descendrai les marches dans la robe de joie
qu’auront tissée des araignées toquées.

Il y aura de l’amour émietté au fond des poches. »

C’est dire la dimension translucide de la mort  :

« Rien ne te sera pris : seul viendra
l’instant d’ouvrir
docilement la main
de libérer
la mémoire de l’eau
pour qu’elle se retrouve eau
de la haute mer. »

Maria-Mercè Marçal, Trois fois rebelle, éditions Bruno Doucey, 2013, pages 101; 9; 21; 87. Traduit du catalan par Annie Bats

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Vent froid, trop froid

HTV/lalignedecoeur.frJ’ai déjà vu ce printemps là. Venteux, froid, désagréable. Même le feu rallumé dans le poêle ne fait pas oublier le manque de soleil. Manque indéniable de vitamine D. Besoin d’une dose, vite, pour me refaire une carapace. Une belle carapace de chair brune, imperméable à ceux qui n’ont ni parole ni regard, ni rien à trimballer dans leur boite crânienne, non pas même du vide, je le sais je l’ai vu.

Un printemps, ça avait déjà été comme ça. Temps pourri. Cerises moisissant sur l’arbre. Tomates recroquevillées sur elles-mêmes. Puis il y a eu un été, je m’en rappelle. Mais il n’est pas revenu l’année suivante. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir attendu. Qu’en sera-t-il cette fois ci? Si au moins le vent pouvait faire le ménage, c’est trop demander? J’ai quelques noms à donner, si besoin. Juste pour rendre service. Je me sens une âme de balayeuse ce soir. Bon voyage messieurs dames, c’est par ici la sortie, si vous voulez bien vous donner la peine de dégager du pas de ma porte. Merci. – Mais je vous en prie, tout le plaisir est pour moi.

Météo de ce 21 mai dans le sud de la France.

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Écrire la vie

Ecrire la vie/HTV/lalignedecoeur.frJe tombe par hasard sur la 4ème de couverture du dernier livre de François Bégaudeau La politesse:
« La voix du Nord demande si les deux auteurs se sentent particulièrement concernés par le thème de ce soir, Écrire la vie.
Nous nous sentons particulièrement concernés. Nous ne voyons pas ce que nous pourrions écrire d’autre. »
Ces lignes me réjouissent particulièrement. Moi aussi je veux me sentir particulièrement concernée.

Plus bas on peut lire :
« François Bégaudeau est né en 1971 à Luçon. »
Je ne sais pas où se trouve Luçon mais cette information a l’air de toute première importance. Je chercherai. On note au passage que l’auteur en question est jeune (enfin plus jeune que moi). N’étant pas sociologue je ne peux pas dire si l’année 1971 a été un bon cru pour la littérature française ; aura-t-elle été le point d’inflexion notable de l’émergence d’un nouveau style littéraire singulier contribuant aujourd’hui au rayonnement culturel de la France que je n’en saurai rien. Je constate qu’il y a beaucoup de choses qu’on ne me dit pas. Il me semble d’ailleurs m’être déjà fait ce constat.
Et puis : « Il est l’auteur de sept fictions aux Éditions Verticales : Jouer juste (2003) –un livre que j’avais lu sur un malentendu, pensant qu’il parlerait de musique [mais les livres de François Bégaudeau parlent de tout sauf de leur sujet, cela je l’ai compris après coup], Dans la diagonale (2005) – pas lu ou alors je ne m’en rappelle plus, Entre les murs (prix France Culture-Télérama 2006, adapté au cinéma par Laurent Cantet) –vu au cinéma et pas vraiment aimé, Fin de l’histoire (2007) –pas lu, Vers la douceur (2009) –offert à Noël à une amie proche, je trouvais que c’était un programme tout à fait digne d’intérêt, La blessure la vraie (2011) –j’ai cherché la blessure à chaque page sans en trouver de trace, mais à cette époque tout était prétexte à trouver un miroir à la mienne, et Deux singes ou ma vie politique –pas lu non plus ».
Et encore : 19,50 EUROS [pas donné, attendre qu’il sorte en poche -forcément il sortira en poche] ;
Illustration de couverture Philippe Bretelle [là, franchement, je ne m’étends pas pour ne pas me faire d’ennemi, mais Philippe aurait pu faire un effort] ;
www.editions-verticales.com [bien noté].
Il y a encore quelques petits signes en bas à gauche (ce fameux coin que notre œil ne voit pas, dans lequel on peut fourguer tout ce qui encombre) : des n° à rallonge, dont l’ISBN [978.2.07.014848.6]. Enfin en haut de page le nom de l’auteur et le titre du livre.

Passons maintenant aux pages intérieures. Soit 293 pages numérotées, avec une certaine bizarrerie d’ailleurs car la numérotation commence à la page 9. On se demande pourquoi les premières n’ont pas eu droit à plus d’égard, c’est injuste mais bon. Ces 293 pages sont suivies de neuf pages totalement blanches, et d’une toute dernière rappelant que le livre a bien été imprimé [une survivance ?], en quel lieu précisément, jusqu’à nous préciser en quel mois les presses ont fonctionné pour nous offrir à nous lecteur cet objet sobre et pur. Merci beaucoup petites presses. C’est bien fait, vraiment. Mais revenons à nos neuf pages blanches, qui m’interpellent vous l’avez compris… L’auteur a-t-il voulu nous laisser la place et nous faire participer à son projet d’écriture ? Qui n’est autre que celui d’écrire la vie ? J’approuve des deux mains. Je veux m’y mettre tout de suite. Neuf pages c’est du concentré, il va falloir résumer.
Mais avant de me lancer je reviens à la 4ème de couverture, car de fait je n’ai pas tout lu.
« En poussant un peu nous pourrions démontrer qu’écrire la vie est un pléonasme.
– Mais est-ce que ce n’est pas voué à l’échec ?
Nous pensons que si. »

Hé ! La chute est un peu dure. J’étais si contente.
Faut-il du coup laisser leur virginité à ces pages blanches ? Ne surtout pas prendre le risque d’y toucher ? Ne seraient-elles qu’une métaphore de notre impuissance, ou une mise en garde définitive contre toute tentative de dévoiler quoi que ce soit de la vie ? Je commence à être moins à l’aise. Si ces pages au contraire n’étaient blanches que de saturation de vie ? Si elles renfermaient toutes les vies, prêtes à nous sauter à la gorge et à nous étouffer à la première occasion ?
Mon cher François, bien loin de moi l’idée de vous incommoder car vous êtes sans doute tout à fait charmant, mais voyez-vous je crois que je n’en veux pas de votre vie. Enfin de LA vie. J’ai déjà bien du mal avec la mienne. Soyons un peu sérieux. Si écrire la vie est voué à l’échec, que dire de peindre la vie ? Ou de jouer la vie ? Ou encore de dire la vie ? De penser la vie ? Aimer la vie ? Manger la vie ? Tout est-il assurément voué à l’échec ?
Du coup, je ne suis plus très sure de vouloir lire le livre. Même par politesse. On nous appâte avec un beau programme, et puis tout s’écroule en une fraction de seconde. On connaît l’histoire. On ne me la fait plus.
« –A moins que tu aies changé d’enfance entre temps ?
– Non, pas trop. ».
Chapitre I.1, p.15.

François Bégaudeau, écrivain de la vie retranchée dans la fausse candeur de la simplicité, auteur qui joue à brouiller les pistes, ne se reconnaitrait certainement pas dans le portrait que je brosse de lui et de ses livres. Alors, pour éviter toute ambiguïté, je précise tout de suite que je vous invite chaleureusement à lire ses livres si ce n’est déjà fait.

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La vie exige le coeur

La vie répond — ce n’est pas vain
on peut agirChat/lalignedecoeur.fr
contre — pour
La vie exige
le mouvement
La vie c’est le cours du sang
le sang ne s’arrête pas de courir dans les veines
je ne peux pas m’arrêter de vivre
d’aimer les êtres humains
comme j’aime les plantes
de voir dans les regards une réponse ou un appel
de sonder les regards comme un scaphandre
mais rester là
entre la vie et la mort
à disséquer des idées
épiloguer sur le désespoir
Non
ou tout de suite : le revolver

(…)

Laure « Écrits, fragments, lettres » 10-18, 1978

« Quand on n’a plus le choix il nous reste le cœur »
Noir désir. A ton étoile

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