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Résistance mon amour [commémoration J-28]

armenian-genocide-24-04-1915

Nous vivons dans un monde de fous, dors mon amour…

Jacques Coutela s’est fait suspendre du FN en 2011 après avoir posté, sur son blog, un billet dans lequel il défendait Anders Breivik, l’auteur des attentats d’Oslo et d’Utøya, en Norvège, au cours de laquelle 77 personnes ont été assassinées: « La raison de l’action terroriste du nationaliste norvégien : combattre l’invasion musulmane, voilà ce que l’on vous cache. » Quatre ans plus tard, réintégré, il est candidat aux départementales. Au premier tour, le binôme FN Sandrine Neyens – Jacques Coutella arrive en 2e position avec 30,92% des voix, juste derrière le binôme UDI (32,92%) mais loin devant le binôme UMP (18,87%)¹.

Le chat au pelage doré veille sur toi mon amour…

Fabien Rouquette, candidat FN à Narbonne (Aude) a partagé sur Facebook, le 31 août 2014, un message en blanc sur fond noir : « Socialistes, communistes, musulmans! Faites un geste pour la terre : suicidez-vous ». Sa colistière, Michèle Boisset, a liké la photo, ajoutant ce commentaire : « Hihi ! Un beau rêve ». Le binôme Michèle Boisset – Fabien Rouquette arrive en tête au premier tour des élections départementales de mars 2015, recueillant 30,94% des voix. Il devance le binôme Divers droite (29,42%) et celui du PS (27,99%)¹.

Sous tes paupières passent des rêves, je les vois mon amour…

Le 22 février 2015 Jean-Francis Étienne a proposé sur Facebook, photo à l’appui, de « couler un ou deux bateaux poubelles de migrants. […] Ça va hurler dans les instances internationales, mais on s’en fiche… ». Au premier tour des élections départementales de mars 2015, le binôme FN Jean-Francis Étienne – Sophie Pin arrive 4e avec 11,05% des voix, derrière deux binômes Divers droite (35,91% et 35,34%) et le binôme Front de gauche (17,71%)¹.

Ton corps abandonné au sommeil me berce mon amour…

Élie Quisefit, candidat FN à Narbonne (Aude), poste en 2012 un message pour le moins équivoque: « Il y a des battues contre les sangliers… contre les loups… contre les lynx… Et si on organisait plutôt des battues contre les Arabes on sauverait peut-être la France ! ». Au premier tour des élections départementales de mars 2015, le binôme FN Sylvie de Roeck – Élie Quisefit arrive en 2e position avec 29,93% des voix, à un cheveu du binôme PS (29,98%) mais devant celui Divers droite (27,35%)¹.

Un jour qui n’aura pas grand chose de différent d’un jour banal, un homme décidera que pour les autres tout doit être terminé…
Plus tard on appellera ça un génocide.
Mais avant on lui prêtera main forte. Car celle du plus fort a toujours raison.

Parce que tu dormais tu n’as rien vu…

« Ces malheureux assurent qu’ils ont trop à redouter des Turcs pour rester chez eux. (…) la population marseillaise réclame du gouvernement qu’il interdise rigoureusement l’entrée des ports français à ces immigrants et qu’il rapatrie sans délai ces lamentables troupeaux humains, gros danger public pour le pays tout entier. (…) »
Discours du sénateur-maire Flaissières, publié dans Le Petit Provençal le 21 octobre 1923

Nous sommes des survivants, me croiras-tu ?
Si je te dis que je t’aime quand tu dors, me croiras-tu ? Que je t’aime quand tu ne me dis rien du chaos qui nous entoure, me croiras-tu ?
Nous sommes des résistants te disais-je, des résistants en habits de paille. Inflammables au possible.
Nous sommes des milliers.
Nous sommes une armée.

Alors dors encore et ne crains rien mon amour, je te réveillerai lorsque la caravane sera passée.

« Cours autant que peuvent te porter tes jambes, cours d’un ouragan à l’autre et élève ton petit cœur comme une supplique adressée aux plaines où se bousculent les lettres et les étourneaux. […]. N’y a-t-il pas dans ta voix le fracas d’une rupture ? »

Salim Barakat, « Le criquet de fer », Actes Sud Littérature Mondes Arabes, 1993

 ¹http://lelab.europe1.fr/departementales-zoom-sur-neuf-candidats-fn-a-problemes-23068

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8 mars (II) : être femme

Conseils résumés en 50 points sur l’amour, la vie sexuelle et la vie conjugale

« La nature de la femme consiste entièrement en sexualité dans son sens large. Son mental et sa vie émotive sont un grand élan pour que cette sexualité s’accomplisse en amour, en dévotion et en maternité. C’est sa tâche la plus importante, son devoir et sa joie. (…) Beaucoup de filles écartées de force de leur profession de féminité réelle ont usé plus que leurs forces dans leurs études et leurs travaux ; elles ont été dé-féminisées, tandis que les hommes accablés par le souci et la lutte pour gagner leur vie perdirent leur jouissance de l’amour. »

Prague/HTV/lalignedecoeur.frAvant le mariage

12 N’épousez pas une personne que vous ne connaissez pas depuis quelque temps, six mois au minimum. Si possible, éprouvez votre compatibilité en passant des vacances dans le même lieu ou en voyageant ensemble.

15. Une femme ne devrait pas épouser un homme qui n’est pas bien éduqué sexuellement.

17. Il est imprudent d’épouser une personne incapable de tenir sa promesse ou qui de caractère faible s’efforcera d’y échapper par la boisson ou le jeu.

18. Une personne dont l’enfance fut malheureuse est un risque conjugal sérieux.

19. Une fille masculine et un garçon de type efféminé ne devraient pas s’épouser avant que tous deux n’aient progressé dans la caractéristique de leur sexe.

20. Une jeune fille qui veut épouser un fils unique court le risque d’être continuellement comparée à une mère supersensitive.

22. Un couple ne devrait pas s’épouser avant d’avoir eu le plaisir de se tenir les mains et de s’être embrassé. Car le baiser doit, par ses délices, attirer le désir sexuel.

23. Un baiser avec les lèvres couvertes de rouge empêche le parfait contact des lèvres et la véritable satisfaction.

Prague2/HTV/lalignedecoeur.frAprès le mariage

27. Si un homme épouse une jeune fille craintive, il ne doit pas l’approcher sexuellement avant qu’elle ne désire le faire, ni la forcer de le voir nu.

28. Chaque homme doit éviter de toucher le clitoris de son épouse, même si elle le désire. L’épouse doit apprendre à perfectionner la sexualité dans le vagin.

30. Pendant la durée complète de l’union sexuelle, les deux partenaires doivent lui accorder leur pleine attention à l’exclusion de toute autre chose. Ils doivent être complètement relaxés et ne pas converser l’un avec l’autre.

33. Chaque femme doit savoir qu’un organe sexuel humain est très sensible et qu’il possède une sorte de vie autonome, presque indépendante de celle de la personne.

35. Durant le rapport, l’homme ne devrait pas se placer sur sa femme, mais prendre une des positions décrites au chapitre IV.

37. Il faut éviter en toute circonstance, les préservatifs anticonceptionnels en caoutchouc ou en soie, etc., empêchant l’échange électro-magnétique, ce qui provoque le blocage nerveux.

47. Quand les femmes ressentent des désirs sexuels intenses mais irréalisables comme les veuves, les divorcées ou les femmes délaissées (spécialement au moment de la ménopause), elles obtiennent généralement d’excellents résultats en prenant une injection chaude pendant le bain, une nuit sur deux, d’une durée de dix à vingt minutes, en restant confortablement dans le bain. Ajouter au robinet de la baignoire une prolonge en caoutchouc. Le courant d’eau ferme, régulier, sans à-coup, délivre ou plutôt libère les tensions de tout l’organisme laissant la femme relaxée et paisible.

49. Une affinité subtile existe entre la maladie et les désirs d’amour inassouvis. Les hôpitaux et les docteurs seraient moins surmenés si une compréhension réelle de l’amour était plus répandue, afin qu’il s’exprime mieux.

Extrait de : La perfection sexuelle. Dr. Rudolf Von Urban, Nouvelles éditions Debresse, Paris, 1962. [Sex perfection and marital happiness, DIAL PRESS, INC New York, 1949]

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Comme quelque chose qui cloche

Dimanche, 12 heures, rassemblement pour Charlie.

La foule se masse sur l’esplanade en terre battue, et à midi sonnante les hommes solidaires pour une fois se dirigent compacts et unis jusqu’à la grand rue. 1500 habitants dans ce gros village, presque autant de personnes rassemblées ce jour là. On ne pensait pas que ces montagnes abritaient tant de monde.

Le cortège s’est approprié la chaussée. Le trottoir de droite, lui, reste libre. Passage est laissé à une vielle femme qui marche à contre sens, seule. Un coup d’œil à sa démarche et à son foulard caractéristique suffit à l’identifier, ici tout le monde se connaît. On fait comCommémoration/lalignedecoeur.orgATT012291111me si on ne la voyait pas, comme si l’image ne dérangeait pas. Devant moi une personne prononce son nom. Une famille venue d’Algérie après la guerre (du même nom). La femme porte un sac en plastique contenant des légumes. Elle nous rappelle que le dimanche matin est jour de marché. Et de cuisine. Pour elle le trajet et les horaires sont toujours les mêmes. Il ne lui est pas venu à l’idée qu’aujourd’hui elle aurait pu en changer. Comme tous ceux qui avancent face à elle l’ont fait. Un jour dans sa vie en apparence comme tous les autres. A la différence près qu’aujourd’hui, entre la chaussée et le trottoir, s’est élevé un mur de verre. On se croise sans se voir. Dans ces espaces parallèles, les vies ne se chevauchent pas. Pas d’animosité, mais pas d’échanges non plus.
Nous aussi, tout comme cette femme, nous continuons notre trajet, peut être moins à l’aise qu’au départ. On passe maintenant devant les deux cafés principaux de la ville. Les portes sont fermées, on les sent hermétiquement closes. A l’intérieur notre regard capte des formes mouvantes. Des retranchés. Des qui résistent à l’appel. Des qui ne se solidarisent pas. Des qui nous dérangent. Ne pas regarder qui ils sont. Ne pas risquer l’intrusion. Pas maintenant.
On se dit : « Si je suis là pourquoi pas eux, pourquoi pas tout le monde ? » ; et puis : « Si je suis là et que d’autres ne sont pas là, est-ce que j’ai envie d’être là ? » ; ou encore : « Si je suis là et que certains me manquent, qu’est ce que je fais là ? ». Et on se dit aussi : « Non, arrête, pas maintenant! Maintenant ça va, tout va bien… Là, tout de suite… maintenant… en cet instant précis…, ça va… »

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Passage doré

Reçu ce premier jour de janvier le privilège d’heures dorées comme du miel. Enchantement d’une journée d’hiver ensoleillée dans le sud de la France.
Présage.
Lire dans les rayons du soleil ce qu’on ne peut lire dans nos mains. C’est à dire tout, rien, et bien plus.

« On dit le ciel est bleu
Mais c’est moi qui le vois bleu
Le bleu est en moi
Autant qu’en lui
Et la lumière je suis lumière »

Henri Meschonnic, « L’obscur travaille », 2012

Lula Pena, Acte VII, extrait de l’album « Troubadour » (2010)

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Pause musicale en Arménie

Musicien au paon« Sur la vie on ne peut écrire qu’avec une plume trempée dans les larmes», écrivait Cioran. Côté musique, la plume « enlarmée » pourrait être le doudouk, cet instrument arménien de la famille des hautbois. Il suffit de l’écouter pour s’en convaincre. Triste la musique arménienne ? Non pas, lorsqu’on sait que les larmes sont les gardiennes inestimables de notre humanité sensible, fragile, lumineuse dans sa capacité à éprouver la mesure de la vie. Lorsque le doudouk mêle ses larmes au vent qui le traverse, la terre se recueille à son passage. Ainsi que les hommes. Car qui ne voudrait pas être touché ?

Saren Goukayi (Je revenais de la montagne). Musique de Shéram

Sheram est un achough (ashiq en turc, achoughi en géorgien), ce qui pourrait se traduire dans notre langue par barde ou troubadour, c’est à dire un homme tout à la fois poète populaire, musicien, chanteur et compositeur, sublimant l’amour et la beauté partout où il passe. Sa musique mais aussi les chants traditionnels qu’il transmet nourrissent le répertoire des autres achoughs, qui assurent ainsi la transmission des chants. Les deux achoughs arméniens les plus connus sont Sayat Nova (mort en 1795 et surnommé « le roi des chansons ») et Shéram plus contemporain (mort en 1938).Musiciens arméniens

Les instruments traditionnels arméniens sont variés et sont toujours très joués aujourd’hui : kemenche (violon au long manche à 4 cordes qu’on joue dressé sur le genou), tar (instrument en forme de 8 à 5, 8, 11 ou 14 cordes, qui se joue avec un médiator en corne), saz (mandoline à très long manche et à 6 cordes), kanoun (cithare sur table de 72 à 75 cordes, qui se joue en pinçant les cordes avec deux médiators en corne fixés à chaque index par une bague de métal), shvi et srink (flûtes), zourna (hautbois très sonore proche de la bombarde), dohl et doumbeg (percussions), et d’autres plus connus comme l’oud, le kaval ou le santour.

Musique de danse traditionnelle de la région d’Abaron (Arménie centrale)

Quand la musique arménienne rencontre les instruments médiévaux occidentaux, cela réjouit nos oreilles :

Un chant très connu de Sayat Nova, Kani vour djan im, joué par Hesperion XXI, l’ensemble de Jordi Savall. Dans ce morceau se mélangent le doudouk, le rebec, la vièle à archet et les percussions.

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Enterrer les morts et réparer les vivants

« – Que faire, Nicolaï ?
« – Enterrer les morts et réparer les vivants ? »Tbilisi/lalignedecoeur.fr
« Platonov », Tchekhov

Maylis de Kérangal, dans son beau livre « Réparer les vivants »¹ nous remet en mémoire cette réplique de Tchekhov. Que faire, lorsqu’on n’a plus de perspective pour guider nos pas, quand la vie est trop lente à apporter la joie promise, ou que, comme des joueurs lassés on s’ennuie au jeu qu’on a en main ? Que faire pour conjurer la grisaille lourde et terne ? Enterrer les morts ? Oui, pourquoi pas. Les morts sont partout, car les vivants meurent, c’est bien connu. Accepter le deuil, faire disparaître de notre quotidien les ombres qui nous menacent, ces corps inertes que nous articulons pour nous donner l’illusion d’un monde inaltérable. Réparer les vivants. Dans cette dialectique où, depuis la nuit des temps vie et mort échangent les dernières nouvelles du monde, comme si de rien n’était.

Entendu ce jour une émission sur les incendies des monuments parisiens pendant les derniers jours de la Commune² (un certain mois de mai de l’année 1871). Et retenu la fascination des hommes pour les ruines, en particulier pour les ruines encore fumantes. Attrait pour la destruction ? Pour la transgression ? Pour le néant ? On venait du monde entier pour voir cette ville s’écrouler. De véritables tours opérateurs avant l’heure guidaient ces touristes d’un nouveau genre vers les points de vue les plus spectaculaires. Que cherchait-on dans ces amas de pierres et de poutres calcinées ? L’image en négatif d’un palais, d’une bâtisse historique, d’un symbole du pouvoir ? Oui peut-être, mais sans doute beaucoup plus, car une ruine c’est aussi une page blanche qui s’ouvre, un futur immédiat et non planifié qui se présente tout à coup, une pause dans le destin bien ordonné du monde, en bref la possibilité de laisser advenir autre chose…  Mais dans un mouvement réflexe opposé s’exprime le déni tout aussi puissant de la ruine, traduit dans l’empressement des hommes à reconstruire à l’identique. Car effacer l’œuvre humaine c’est en même temps effacer les hommes qui en sont les maîtres. Inenvisageable frontalement. Trop effrayant. Trop radical. Trop absolu. La ruine ne peut venir que de l’autre, de l’ennemi (homme ou cataclysme naturel), car ce que nous mettons tant de temps à construire ne peut s’évanouir aussi facilement. A quoi bon sinon ? Et pourtant, l’incendie nous est tout aussi indispensable que l’argile. On le sait. Quelqu’un, quelque chose doit mourir, pour qu’un autre puisse naître et retrouver un souffle régulier. On pourrait plaider pour une position radicale, pour le pas en avant qui effacerait tous les autres, refuser l’entre deux sécurisant :

« Il est grand temps que l’on sache
Il est grand temps que la pierre s’habitue à fleurir
Que le non-repos batte au cœur
Il est temps que le temps soit
Il est temps »
Corona, Paul Celan

Mais je voudrais revenir à deux questions de fond que pose Maylis de Kérangal dans son livre mettant en scène le dilemme de parents face au corps sans vie de leur enfant, sur le point d’être vidé de ses organes qui iront rejoindre d’autres corps dont on prolongera ainsi la vie. Tout d’abord, peut-on enterrer un mort lorsqu’il n’appartient plus à l’ordre des humains (car un corps sans organe est-il encore humain) ? Et si oui, meurt-on vraiment lorsque des parties de nous-mêmes nous survivent ?

S’il faut effectivement arriver à répondre à ces deux questions pour vivre le deuil comme il se doit, nous sommes désemparés par la proposition apaisante de Tchekhov. Car aujourd’hui qui enterrer alors que la mort même nous échappe? Que répondre à Nicolaï? Oublier les morts et rechercher les vivants?

¹ Maylis de Kérangal, « Réparer les vivants ». Éditions Verticales, 2014
² La fabrique de l’histoire, France culture, 15 mai 2014

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Instantané de voyage I : Salvador de Bahia

Une bouture d’Afrique sur une terre d’éden.Salvador2014/HTV/lalignedecoeur.fr

Peaux noires, murs colorés, églises exubérantes, air marin et soleil brulant. Rues pavées et rues trouées. Le bus de ville grince et fonce en demandant passage. Jésus est partout, il nous invite à lui livrer nos espoirs sous forme de petites bandelettes de couleur qui seront accrochées aux grilles des églises. Le vœu ne coûte pas cher. Les croyances sont obstinées. Et pourquoi pas d’ailleurs. La nuit personne ne traine. L’obscurité tombe rapidement, et les forces obscures au parfum de crack ou d’alcool reprennent la place.
Il y a quelque chose de simple et de sauvage dans les yeux des marchands ambulants. Dans cette belle ville il sera impossible de prendre acte de la fin d’un temps. Les époques se superposent, et les premières vivent toujours superbement. Cette ville raconte sans être didactique. Pourtant de son passé elle semble peu encline à parler. Mais des couleurs si. On en joue avec une maîtrise innée. Pas une trace de nostalgie dans le décor. On met en scène, on polit, on repeint, on arrange, et on joue la pièce avec plaisir car on est le jeu. Les temps ne finissent pas nous dit la toute première ville du Brésil, ils ne sont que matière à modeler pour le futur. Dommage pour qui viendrait ici pour oublier.

Dans la pousada la seule personne à fuir sera le français malencontreusement rencontré dans la salle commune. Installé depuis 15 ans au cœur de l’État de Bahia, loin de tout, c’est une délivrance pour lui de passer quelques jours par mois à Salvador. Il fuit ainsi son oisiveté et sa femme. Négatif et désabusé, il n’aura évoqué du Brésil que la corruption et les agressions. Mais il faut moins de cinq minutes pour comprendre qu’il est totalement imperméable à toute vie (et on aimerait penser qu’il n’en a pas été toujours ainsi…).

Pour voir Salvador, il faut évidSalvador2/2014/HTV/lalignedecoeur.fremment quitter le Pelourinho pour descendre jusqu’à la mer. Là deux possibilités: se baigner (si on est un enfant ou si on n’a pas réussi à quitter l’enfance) ou attendre la fin de la journée en buvant de la bière fraiche et désaltérante. Si une grosse pluie d’orage ne nous avait pas poussés à l’abri d’une buvette, nous aurions fait les deux…

Quando Eu Penso Na Bahia

Quando eu penso na Bahia. Caetano Veloso

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Instantané de voyage II: Au coeur de l’Etat de Bahia, la Chapada diamantina

Une nuit d’ « ônibus » et nous passons d’une ville animée, bruyante et il faut l’admettre fatigante, à un village encore endormi, sentant bon la pluie fraîche et l’air lavé. Un seul oiseau chante et dans ses modulations aucun doute c’est la langue brésilienne qu’on entend. Comme s’il avait encore fallu se prouver l’existence du lien organique entre les sons de l’environnement et la langue de ses habitants. Imparable.

A 5 heures du matin il fait nuit noire. Cela ne durera pas, le jour arrive d’un coup, comme 12 heures plus tard arrivera la nuit, sans transition. A ce Brésil « équinoxial » on ne peut reprocher que la fugacité de ses aurores et des ses crépuscules, mais peut être est ce le secret de sa capacité à aller de l’avant, et à ne pas se perdre dans la nuance incertaine et les « peut-être » interminables.

Lencois/HTV2014/lalignede coeur.frEn tous cas cette arrivée est agréable. Un peu plus loin, dans la large rue déserte, une buvette est allumée. Elle offre du café (sucré et mauvais, ne surtout pas aller au Brésil dans l’espoir de savourer leur excellent café car c’est en Europe qu’on le trouve) et des jus de fruit préparés devant vous. Les guides attendent de pied ferme. Accueillants et avenants mais business is business. Ils descendent des garimpeiros, ces chercheurs d’or et de pièces précieuses qui ont fait la richesse de la zone à la fin du XIXe siècle, plaçant le Brésil en tête de la production mondiale de diamants. Sur ces hauts plateaux sillonnés de gorges, de cascades et de morros, on prend l’air. Mais il faut d’abord s’approprier la zone, pour se débarrasser des guides hors de prix et absolument inutiles lorsqu’il s’agit d’aller aux cascades les plus proches des villages.

L’architecture des villages, des XIXe et début du XXe siècle, est très belle. Il faut se laisser charmer. Et comme on est en vacances essayer d’oublier qu’elle signifiait vie de luxe pour les uns et vie de labeur pour les autres. A qui profitait l’éclat fascinant des pierres précieuses?

Mais la Chapada diamantina, cela aura été le nom quelque peu mystérieux de la plus belle de ses vallées, qu’on se passe entre initiés, la « vale do Capaõ », une vallée de « hippies » comme nous le diront les brésiliens. On y accède par une piste, et si l’électricité arrive petit à petit jusqu’aux maisons les plus isolées, ce n’est pas le cas des réseaux de téléphone ou d’Internet. Ce qui ne surprendrait pas si en descendant du mini bus on ne tombait pas sur un village très animé aux façades peintes de larges fleurs vives ou de mandalas éclatants, rassemblant une foule de jeunes gens aux cheveux longs (dread pour les garçons) et aux robes colorées pour les filles. Sur les affiches apposées aux portes des boutiques et des pousadas, on offre massages ayurvédiques, thérapies alternatives, appels à rejoindre l’enseignement des derviches tourneurs et de Gurdjieff (on l’avait bel et bien oublié celui là…), ou celui plus discret du chamanisme indien. Fondation de l’âme, écoles, retraites méditatives, bref ici tout est tourné vers la réconciliation harmonieuse de l’homme et de la nature. Sous les cascades fraîches, dans un décor paradisiaque, les corps libres et bronzés des jeunes gens s’exposent. Ils sont ornés de tatouages très élaborés, revendication d’une filiation originelle aux peuples indigènes restés intimes avec la terre. Le syncrétisme culturel est assumé. Car si l’homme nouveau revient aux sources, il a auparavant parcouru le monde… Bien sûr tout ici est écotourisme et pour la première fois de notre voyage le bio a pignon sur rue. Étrangement j’ai enfin la sensation d’avoir traversé l’Atlantique et d’être en Amérique (avec un grand A) – jusque là j’aurais pu situer le Brésil n’importe où sur le planisphère, tant il m’apparaissait d’une singularité totale, quasi extra « terrestre ».

Sur ce panneau placé au bord d’un chemin on lit:  « Prenez soin des fleurs, vous avez besoin des couleurs ». Le ton est donné.

Chapada diamantina/HTV2014/lalignedecoeur.frLa musique dansée dans la salle de bal de la place du village est le Forro, musique populaire des habitants de la région du Nord Est du Brésil. Un extrait de cette danse, dans une version élaborée (qu’on ne verra pas sur la place du village…):

http://www.youtube.com/watch?v=N-jG44Ct0ng

 

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Instantané de voyage III: Brasilia

Brasilia/HTV2014/lalignedecoeur.frIl faut avoir vu Brasilia. Juste histoire de se dire que les méandres du cerveau humain sont bien incompréhensibles. Des hommes ont rêvé une ville nouvelle. Facile, les architectes étaient des génies, ils pouvaient tout imaginer et tout réaliser, ce qu’ils ont fait. Audace, lignes inattendues, lumière, symbolisme (ésotérisme?), espace, le projet a de l’allure. La terre, il n’y avait que ça à disposition, et l’eau n’en parlons pas, elle est dans cette contrée généreuse à en mourir. Brasilia n’est ni une ville laide, ni inconfortable, ni dangereuse (si on omet les villes périphériques), ni, ni… Les quadras, cet agencement géométrique de blocs d’habitations, de commerces et de services, sont même réellement bien pensés et fonctionnels. Ils offrent proximité et vie sociale. Mais on se demande pourquoi on s’installerait à Brasilia, au delà de la nécessité d’être sur son lieu de travail. Les diplomates et les fonctionnaires rechignent toujours à quitter Rio ou Sao Paulo. Car l’homme du XXIe siècle ne ressemble que trop à celui des siècles passés. Et on ne comprend pas bien en définitive à qui s’adresse cette urbanisation aussi radicalement futuriste. Les architectes ne se sont pas trompés de ville, ils se sont trompés d’homme! Car la ville déteste les piétons et toutes les formes archaïques d’utilisation de l’espace. L’idée même de « place du village », dans cette vision urbanistique, est totalement incongrue. Comment penser qu’au XXIe siècle nous serions encore enclins à utiliser notre propre force motrice (en l’occurrence nos jambes) plutôt que celle des machines, si bien pensée pour nous?

Pour une utopie communiste, constater que dans cette ville les salaires des fonctionnaires sont parmi les plus élevés au monde, et qu’en conséquence le revenu moyen des habitants du quartier le plus riche de Brasilia  est 16 fois supérieur au revenu minimum brésilien, laisse dubitatif. Qu’est ce qui n’a pas marché? La réalité prosaïque des hommes, l’impossibilité de penser le partage des espaces et de mélanger les classes sociales (et là l’urbaniste doit se sentir bien seul, car il n’a en définitive aucun pouvoir sur la prise en main de son projet par les hommes politiques), l’économie de marché se chargeant tranquillement du reste. On ne ressort pourtant pas brouillé avec cette cité, car elle laisse une sensation de non-ville. Une parenthèse un peu vide dans l’exploration d’un pays aussi riche que le Brésil. Comme si nous avions été au musée mais que les collections n’étaient jamais arrivées.

Preciso Me Encontrar

Preciso me encontrar. Marisa Monte (samba de Candeia)

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Vœux, une fois l’an

Ce message de bonne année n’aura pas la tonalité joyeuse et pleine d’espoir qu’on pourrait attendre de lui. Il faudrait en effet avoir 20 ans pour en écrire un de cette nature. Ou plutôt avoir eu 20 ans au commencement des temps, lorsque la vie se réveillait et se répandait sur la terre. Mais la terre est fatiguée de nous. De notre indifférence et de notre infidélité. Alors transformons nous une bonne fois pour toute en robots, interchangeables à merci, que les plus vaillants d’entre nous se chargeront de mettre au rebut à la première baisse de performance. Ne nous leurrons pas, nous en sommes là. Travailleurs fatigués mais toujours dociles, consommateurs aux ordres, vieux parqués et invisibles, femmes aux uniformes taillés sur mesure, tailleurs roses ou tchadors noirs selon les cultures – il faut bien se démarquer un peu. Alors que nous pensions si fort que nous avions gagné la bataille de la servitude.

Et bien non. Aujourd’hui il n’est même plus indécent de penser qu’il n’y a pas de place pour tous dans l’espace que nous habitons. Les naufragés des territoires noyés par le réchauffement climatique n’auront qu’à disparaitre avec leurs paysages trop bas car de nouvelles terres d’accueil ils n’en trouveront point. Fin 2013 les voix des chefs belliqueux résonnent bien fort. On aimerait retenir l’année. Se cacher les yeux pour ne pas regarder la porte s’ouvrir. Mais ce serait déjà se mentir. Car dans le vieux bois du temps la vie est là. Elle nous observe et nous la désirons. Ne tient qu’à nous de danser sur sa mélodie claire. « Prenez soin de vous », nous dit-elle. Nous tous autant que nous sommes, nous le Monde. Elle le sait bien la vie, qu’elle n’est pas une mais multiple, et qu’elle n’existe qu’à cette condition. Alors je nous souhaite pour cette année 2014 une attention soutenue aux petits riens merveilleux de la vie, manière efficace et douce de veiller à la conservation du monde.Tout cela et bien plus en image par un maître qui nous laisse franchir la porte sans lui:

Tout-Rien de Frédéric Back :

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Préserver les oasis [la possibilité d’une île]

Le désert peut parfois être sublime et attirant pour un esprit en quête de pureté, mais sans ses oasis pas de vie humaine. Hannah Arendt, juive allemande, témoin de la désagrégation de l’humanité en cendres indicibles, nous met en garde. Laisser le désert gagner les oasis et c’est laGuinée/HTV/lalignedecoeur.fr désolation assurée, la voie royale vers le totalitarisme ou le rejet du politique, ce qui à y regarder de plus près revient au même pour l’être humain. Car le politique est un espace qui s’ouvre entre les hommes, qui doivent pour cela se voir (s’apparaître les uns aux autres), dans leur pluralité et non pas agrégés ou agglutinés en masses compactes, et bien entendu se parler. Dans cet espace surgit un monde commun, dont il s’agit d’assurer la permanence par des œuvres qui résisteront au temps. Revenons aux oasis et au désert. Dans les périodes critiques le désert avance, et les vents de sable envahissent les oasis. On peut cheminer dans le désert, mais à condition d’avoir la carte des oasis. Le pire, nous dit Arendt, c’est de prendre goût au désert. Pourquoi ? Parce que l’homme, pour rendre la terre habitable, doit construire un monde commun. Or le désert est la perte de cet « entre-deux », cet espace entre les hommes, condition de la vie politique. Les oasis que sont l’art, l’amour, la pensée (qui n’est pas simple savoir mais introspection et silence intérieur menant à la compréhension sensible de l’expérience vécue), sont des « fontaines qui dispensent la vie, qui nous permettent de vivre dans le désert sans nous réconcilier avec lui ». Elles nous permettent de résister et de renaître.

Mais la question toujours d’actualité que nous pose Hannah Arendt, est de savoir ce que nous faisons de nos oasis, au-delà d’en assurer la conservation, ce qui n’est déjà pas la moindre des tâches. Car l’oasis ne doit pas être un refuge, qui nous permettrait de nous extraire du monde, à la manière des kilomètres d’abris antiatomiques creusés sous les villes des pays riches [on ne peut s’empêcher d’avoir froid dans le dos en imaginant la société  post cataclysme qui en découlera, composée des seuls individus qui auront choisi de vivre apeurés et enterrés, à la manière des morts vivants peuplant les cavernes et les grottes. Personnellement, en cas d’apocalypse je choisirais la hutte de branchage suggérée par Lars Von Trier dans son film Melancholia].

«Lorsque nous fuyons, nous faisons entrer le sable dans les oasis »1. Nous ne devons pas perdre de vue que nous vivons sur la terre et non pas dans l’oasis, au risque de nous replier dans une vie qui exclurait toutes les autres (qu’elle soit d’amour passionnel ou d’art autocentré). L’oasis se définit par ce qui l’entoure, elle représente le lieu actif à partir duquel peuvent se déployer les formes de résistance à l’affaiblissement de l’action humaine, lieu de créativité et d’expression de la volonté des hommes à habiter la terre. En effet, si la terre accueille l’homme et lui donne naissance, il convient de faire plus pour pouvoir l’habiter. Car la condition humaine, ou la capacité de l’homme à avoir une terre, est fragile. Les totalitarismes, de quelques natures qu’ils soient (et le capitalisme à son niveau actuel en est bien un), l’ont bien compris. Leur violence provient de leur visée à rende l’homme superflu, en commençant par effacer l’humanité qu’il contient. Qu’il devienne machine, interchangeable et mis au rebut selon des critères de rentabilité, ou qu’il ne soit que le rouage d’un projet de société délirant justifiant guerres et exterminations, ce que l’homme a perdu (ou abandonné) au jeu de la désolation, c’est sa possibilité de monde.  Car la terre n’est pas le monde. Le monde, toujours selon Arendt, est une tente déployée sur la surface terrestre, nous permettant de nous y installer. Et c’est dans l’amour du monde, dans cette « appartenance-au monde » qui est « présence-dans-le-monde » que se transmettent les cartes des oasis qui nous sauvent pour un temps encore des tempêtes du désert.

« Il semble que ne nous soient données d’une manière générale que : la Terre pour nous offrir une place où dresser nos tentes au sein de l’univers (donc de l’espace) ; la vie en tant qu’intervalle de temps pour notre séjour (donc le temps) ; et la « raison » tout d’abord pour nous guider, pour que nous nous établissions ici pendant un moment comme si nous y étions chez nous, puis, lorsque nous nous sommes finalement procurés ce séjour, pour finir par nous émerveiller du fait qu’il existe en général quelque chose comme la terre, l’univers, la vie et l’homme. »2

1 Hannah Arendt, « Du désert et des oasis », Qu’est -ce que la politique?, Paris, Seuil, (1955), 1993
2 Hannah Arendt, Journal de pensée [1950-1973], Cahier VI, Seuil, 2005, p.150
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris: Presses Pocket (1958), 2007.
Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme suivi de Eichmann à Jérusalem, Paris, Gallimard, 2002
Goetz, Benoît, et Chris Younès. « Hannah Arendt: Monde ? Déserts ? Oasis ». In Le territoire des philosophes. Lieu et espace dans la pensée auXXe siècle, 29‑46. Armillaire. Paris: La Découverte, 2009.

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Reflet jaune et blanc

Une tache de lumière sur la nappe
Du jaune et du blanc dans le reflet des verres
Un souffle passe dans nos cheveux
L’heure est tiède, l’air est opaque
La table est mise pour nos corps à nourrir
Les tapis volants sont rangés sous les sièges.

Les voix se dispersent au-delà du rayon doré de la bougie
Sourires dans les traces de nos mains
Une heure qui s’éteint pour d’autres en chemin.
Il flotte un souvenir d’encens, de mer et de carte postale.

Comme une nuée d’oiseaux nous nous levons
Nos pas sont lents et nos corps souples
Nous quittons la rivière et entrons dans la nuit
Nos ombres s’effacent sous son voile.

Vers nous-mêmes nous allons
Et la route nous parle
Par delà la lumière jaune et joyeuse
Vers nous-mêmes nous allons
Et la route nous mène
Dans l’azur de la nuit pleine et transparente.

H.T.V. Juillet 2013

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Parole du jour

Lion

Si tu vois une chèvre dans le repère d’un lion, aie peur d’elle

Proverbe africain

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Fin d’été sous la pluie

merUn été tout en chaleur et rayons dorés, inespéré après des mois de grisaille glacée. Une trêve dans les affaires du monde. Comme pour nous signifier que notre fatigue était sans objet, que nous n’avons jamais eu froid, qu’aucune envie de nous nicher au creux d’un arbre pour n’en ressortir que sous forme d’humus n’a pu hanter notre esprit un temps donné.

La douceur est bien venue. Notre peau s’en est nourrie. La pluie d’aujourd’hui ferme une parenthèse. Au delà s’écrit le futur. Nous ne voulons pas partir en guerre, clament en chœur (ou presque) les nations. Le maître du monde est bien seul et trop tôt usé. Pour les hommes de bonne volonté pas de possibilité de victoire semble nous dire la rumeur.  Va-t-on la croire? Et retourner dans l’arbre?

……………..

« C’est ainsi que par un jour d’été les vagues se rassemblent, basculent, et retombent ; se rassemblent et retombent ; et le monde entier semble dire : « Et voilà tout », avec une force sans cesse accrue, jusqu’au moment où le cœur lui-même, lové dans le corps allongé au soleil sur la plage, finit par dire lui aussi : « Et voilà tout. » Ne crains plus, dit le cœur. Ne crains plus, dit le cœur, confiant son fardeau à quelque océan, qui soupire, prenant à son compte tous les chagrins du monde, et qui reprend son élan, rassemble, laisse retomber. Et seul le corps écoute l’abeille qui passe ; la vague qui se brise ; le chien qui aboie, au loin, qui aboie, aboie. »

Virginia Woolf. « Mrs Dalloway »

Franz Schubert – Piano Trio In E Flat, Op. 100

Franz Schubert, Trio pour piano, violon & violoncelle en mi bémol majeur, Op.100

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