L’Ararat, montagne majestueuse, culmine a 5165 m d’altitude. Symbole de l’Arménie d’aujourd’hui comme de l’Arménie perdue d’hier, il est entièrement situé en territoire turc. Pourtant les arméniens le guettent chaque matin, attendant que, comme une jeune fille pudique, il sorte de ses voiles nuageux. Quand il apparait on ne voit plus que lui, d’Erevan à tous les villages de la vaste plaine qui lui fait face.
Pourquoi parler d’une montagne alors que 10000 autres aspects de la vie quotidienne pourraient être évoqués pour dessiner un bref portrait de l’Arménie? Parce que l’Ararat porte le récit fondateur d’un peuple (avec un peu de chance le voyageur perdu à son sommet pourra butter sur un vestige de l’arche de Noé), parce qu’il symbolise l’attente et la détermination, parce qu’il est le stigmate d’un conflit attisé de part et d’autre de ses versants par les mémoires vives des habitants. L’Arménie, petit pays à l’histoire complexe et tragique, qui lutte pour exister toujours, arche de Noé des arméniens dispersés aux quatre coins du monde, est la gardienne d’une identité intégrant orient et occident, Asie et Europe. S’y plonger pour savoir d’où l’on vient. Pas sûr cependant qu’elle indique où aller, ou alors les panneaux indicateurs sont écrits dans un langage qu’on ne comprend pas. Peu importe, l’Arménie se conjugue au présent du verbe être. Car se tenir debout aujourd’hui à cette place est déjà une belle victoire.