Une femme dit : « Je veux être reconnue pour ce que je suis et non pour ce que je porte ». On est à Paris, en 2015, et cette femme porte un voile qui recouvre ses cheveux. Une autre femme dit : « Je ne veux pas qu’on me harcèle dans la rue parce que je ne suis pas couverte de la tête aux pieds ». On est à Alger, la même année, cette femme porte un tee-shirt à manches courtes. Même raz-le-bol de chaque côté de la Méditerranée, même impossibilité de jouir à son aise du corps que l’on désire, dans cette confrontation aux regards masculins qui impose à coup sûr de se conformer pour exister.
Dans ce débat qui n’en finira jamais sur ce que doivent porter les femmes, on ne va pas faire semblant d’être neutre et non concernée. On se sait capable de distinguer deux jumelles portant un niqab en tout point similaire, le simple éclat de leurs yeux trahissant leurs singularités irréductibles. Et on entend bien que dans la plainte de la femme voilée résonne celle de la femme qui ne peut découvrir ses bras.
On est pourtant du côté de la peau nue et libre, et même très intimement de ce côté. Pourquoi, puisque qu’au fond on ne voit pas bien où est le problème? Parce que… Voyons, comment dire…? Comment dire qu’être femme c’est aussi avoir un corps et en jouer? En user, pour le meilleur et le meilleur? Oui comment dire cela lorsque chaque parcelle du corps de la femme est scannée, jugée, neutralisée, barbisée, lorsque que toutes ces parcelles formant un corps malgré tout se retrouvent au final bien rangées derrière des voiles ou des faux semblants? Comment dire cela lorsque le simple fait de dire cela implique de porter vivant en soi un combat ingrat, difficile à comprendre et à accepter, et qui semble toujours à mener, jamais gagné? Oui, comment le dire?